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  • Michel Djombo

Pourquoi n'exportez-vous pas?



On me demande souvent : "Prévoyez d’exporter vos produits en dehors de l’Afrique Centrale ?", "Pourquoi n'exportez-vous pas?", ma réponse est systématiquement : "Non". Cela désarçonne mes interlocuteurs qui me regardent dubitatifs, s’interrogeant sur mon manque de vision. Ces échanges ne cessent de m’amuser, les personnes extérieures au secteur primaire ne saisissent parfois pas le challenge de produire dans notre environnement et la difficulté d’être compétitif sur le marché international. De plus, contrairement au mythe couramment répandu : le marché local existe bel et bien.


La faiblesse de la consommation dans notre sous-région est réelle si on s’arrête au point de vue des multinationales qui ne pensent qu’en milliards de dollars et font tout pour rappatrier leurs bénéfices hors d’Afrique. Dans une certaine mesure, il faut néanmoins admettre que notre marché est limité pour les biens de consommation non essentiels, ceux que la majorité de la population ne peut pas se permettre d’acquérir. En revanche lorsque l’on est une PME/PMI locale, avec des ambitions sous-régionales, voire africaines, produire des biens et produits de première nécessité ou de large consommation est porteur.


Concentrons-nous sur la compétitivité de l'agriculture congolaise, prenons l’exemple du maïs. La tonne est vendue sur le marché international entre 140 et 160€ (moins de 110.000 FCFA) au départ des grands ports européens. Cela veut dire que rendu au port de Pointe-Noire elle revient à moins de 200€ (130.000 FCFA). Au Congo, produire une tonne de maïs revient à environ 150.000 FCFA pour les producteurs les plus compétitifs. Pour faire de la marge le maïs local est donc vendu entre 180.000 et 220.000 FCFA la tonne, bien au-dessus du cours international. Ceci a également un impact sur toutes les filières d’élevage qui ont besoin du maïs comme intrant, les rendant par effet domino non compétitives face aux importations.


Pourquoi le maïs coûte si cher à produire ici ? les engrais, indispensables à cette culture, ne sont pas produits localement et sont vendus très chers par les quelques distributeurs de la place. Cela oblige les producteurs à en limiter l’usage sans toute fois avoir ou maitriser des alternatives biologiques appropriées. En outre, il n’y a quasiment plus d’expertise sur les cultures intensives ni même en mécanisation agricole. Nous devons importer de la main d’œuvre chère ou utiliser une main d’œuvre locale moins performante ou moins au faite des techniques modernes adaptées. Tout ceci mis bout à bout fait que la production congolaise ne dépasse pas 1,5 tonne de maïs à l’hectare contre 8 à 10 tonnes dans les pays les plus développés.



Pour devenir compétitifs il nous faut décupler nos rendements en développant une production locale d’engrais (produire ou faire du blending), remettre sur pieds des filières de formation agricoles, de recherche en agronomie, en pédologie et en climatologie.


L'autre question qui revient : "Pourquoi les producteurs de maïs ne vendent pas leur production à la Brasserie ?". C'est exactement la même problématique. Pourquoi les brasseries achèteraient une production congolaise plus chère que les importations. En plus elles ont besoin d'une forme transformée de maïs, le gritz, qui demande un investissement supplémentaire et rendra le produit local encore plus cher.


Si on en revient à la culture principale de GTC, la situation est analogue à celle du maïs. Le Congo a été pionnier dans la recherche agronomique sur le palmier, développant des variétés très performantes quoi ont servi de base au développement du palmier à huile en Afrique de l’Ouest et dans une certaine mesure en Malaisie et en Indonésie, les leaders actuels de cette culture. Aujourd’hui, suite à la faillite du dernier grand acteur étatique du secteur, Sangha Palm, c’est un secteur sinistré, uniquement occupé par de petits exploitants et nous avons perdu toute notre expertise. Nous en sommes donc à devoir importer de la main d’œuvre qualifiée si nous voulons remettre en place la culture intensive du palmier.


La question des intrants, quant à elle, se pose avec encore plus d’acuité pour le palmier à huile car cette culture nécessite l’utilisation d’engrais spécifiques, KCL et Kiésérite, qui ne sont pas utilisés dans les autres cultures locales et donc pas distribuées au Congo. Cela implique que chaque exploitant doit importer lui-même ses engrais. Importer les engrais en conteneur coute très cher par tonne et pour espérer être compétitifs il faut importer des bateaux entiers. Les petits exploitants congolais n’ont pas la taille critique pour le faire.



Nous pourrions développer des exemples à l’envie mais il est clair que toutes les filières du secteur primaire congolais rencontrent les mêmes challenges. Avant de pouvoir exporter il faut les surmonter.


J’ai laissé de côté le sujet de l’autosuffisance alimentaire car il entraine le débat qui oppose le besoin d’autoconsommation à celui de vendre à l’export. L’un ne peut aller sans l’autre dans tous les cas, il faut simplement savoir où placer le curseur. Dans les faits, le Congo n’est pas aujourd'hui capable de produire à un coût bas pour son marché intérieur et encore moins pour l’exportation. Le gain de compétitivité adressera les deux marchés.


Le tableau n'est cependant pas si noir, des projets d'usine d'engrais sont dans les cartons en attente d'une amélioration de la situation économique de la sous-région. L'un de ces projets est assez avancé et concerne le Congo, dont la région littorale, le Kouilou, dispose du mix idéal de matières premières pour la production d'engrais phosphatés et azotés (gaz, potasse, phosphate). La production d'engrais sera la première marche vers le développement d'une agriculture compétitive.

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