top of page
  • Michel Djombo

Développer notre agriculture, oui mais comment?


On ne l’a pas assez dit vu l’ampleur du challenge, le Congo se trouve plus que jamais face au défi de sa diversification économique. Le pays a été artificiellement maintenu à flot grâce au volume important de ses exportations de matières premières non-transformées. Quel problème cela pose ? Sans les revenus liés aux matières premières nous ne serions même pas en mesure de financer nos importations.


Certains organismes dont la FAO évoquent le chiffre de 130 milliards de Francs CFA par an d’importations de denrées alimentaires mais j’estime qu’il est en deçà de la réalité, sachant que les Douanes ont comptabilisé plus de 60 milliards de Francs CFA d’importations en 2014 rien que de produits de volaille. Il est peu probable que la volaille puisse à elle seule représenter 50% de ce que nous consommons. Le vrai chiffre doit tourner entre 200 et 300 milliards F CFA.


Cette situation est intenable, il nous faut produire un maximum localement. Si c’est fait dans de bonnes conditions, cela nous permettra de faire baisser le coût du panier de la ménagère, de mettre notre jeunesse au travail et d’améliorer globalement notre santé financière.


  • Où en est de notre agriculture?


Dans la 2nde partie du 20e siècle, le Congo a mis en place un secteur de production et de transformation agricoles. Ce secteur était régi par des sociétés et des offices publics mal gérés qui sont tombés les uns après les autres en faillite. La période des ajustements structurels a achevé de les mettre à terre. Nous avons eu tort d’écouter les institutions de Bretton Woods et de nous être détournés des secteurs primaires et secondaires. La génération de ceux qui savaient produire n’a eu personne à qui transmettre le relai, le savoir faire agricole a fini par disparaitre.


Aujourd’hui très peu de nos compatriotes savent cultiver à une autre échelle que l’échelle vivrière et encore moins savent le faire de façon rentable. Il y a certes une tendance de nos cadres à se lancer dans des activités agro-pastorales mais sans réelles capacités de suivi ces projets perdurent rarement.


Le tableau n'est cependant pas complètement noir car le gouvernement a créé un cadre favorable à l'investissement agricole. En effet, c'est l'un des seuls secteurs dans lequel les entreprises sont exonérées d'impôts sur les bénéfices. Le Congo octroie assez facilement (un peu trop?) des terres à qui veut se lancer.


Seuls un cadre réglementaire et des facilités d'accès à la terre ne peuvent pas être la seule réponse car les acteurs du secteur ne peuvent pas bénéficier pleinement de ces mesures. Les chefs d'entreprises ne trouvent pas la main d'oeuvre adequate, les agriculteurs indépendants ne sont pas assez structurés pour solliciter formellement l'appui de l'Etat ou de banques privées, il n'y a pas assez de compétences dans les techniques mécanisées de production et même si c'était le cas, il n'y a pas de centres de maintenance d'engins agricoles.


Il faut former, organiser, financer et mieux accompagner les acteurs du secteur.


  • Que peut faire l'Etat?


Créer un plan de formation multiforme


A travers l'école tout d'abord, il faut sensibiliser les élèves aux techniques agricoles, leur communiquer une image positive (mais objective) des métiers de la filière et aussi leur faire comprendre l'importance de la production locale des denrées qu'ils consomment.


Il est important de ne pas privilégier que la formation initiale diplomante uniquement mais faire émerger une filière de formation continue en parallèle, qui serait ouverte aux diplômés comme aux non-diplômés.


Dans les pays d'Afrique de l'Ouest où l'agriculture est plus performante, les agronomes passent entre 12 et 18 mois de leur cursus en entreprise. Ils sont de ce fait plus polyvalents à leur arrivée sur le marché du travail que leurs collègues congolais qui ne reçoivent souvent que des cours théoriques. Il faut adapter les cursus aux réalités du domaine, créer des fermes écoles privées un peu sur le modèle d'AgriCongo mais avec un business modèle viable, encourager les entreprises à accueillir des stagiaires.


Accompagner la création de coopératives

Il est primordial pour être compétitifs que les efforts soient mutualisés. Chaque agriculteur ne doit pas investir dans la gamme complète des outils qu'il lui faut pour travailler mais plutôt s'organiser avec ses voisins pour les acquérir et les gérer en commun. 10 agriculteurs d'une même commune ayant chacun 10 hectares n'ont aucun intérêt à acheter chacun un tracteur mais plutôt d'en acheter 2 ou 3 et de se les partager. Ainsi chacun serait plus attentif sur la maintenance des engins car il aurait des comptes à rendre à la communauté.


Les pouvoirs publics doivent aider à structurer ces coopératives car il faut créer une dynamique pour que ce type d'organisations se propage sur tout le territoire.


Se mettre en coopérative est bénéfique pour les agriculteurs, ils seront ainsi mieux outillés, capables de grouper les achats d'intrants et donc en baisser le coût, pourront plus facilement agir sur les prix, communiquer de façon plus efficace avec l'Etat... Les aides publics trouveraient des canaux de distribution plus efficaces.

Mettre en place des mécanismes de soutien et de financement

Il faut avoir le courage de reconnaitre que le Fonds de Soutien à l'Agriculture ne donne pas les résultats attendus. Son échec n'est pas uniquement imputable à ses problèmes de fonctionnement ou de financement, il est surtout dû à l'absence de structuration de la filière. Prêter à de petits acteurs, souvent mal structurés et qui au delà d'un certain volume vont faire face à des difficultés d'écoulement, de logistique, de conservation n'est pas viable.


Le mécanisme de soutien qui à mon sens devrait remplacer le FSA doit être une entité d'accompagnement des coopératives. Cette entité devrait mettre en place un système de bon plutôt que de prêter de l'argent liquide. Ce système encouragerait également le secteur privé à accompagner l'agriculture car il garantirait un volume de vente. Je reviendrai sur ce point dans le chapitre sur le rôle du privé.


Les PME ou les grandes entreprises qui n'ont elles besoin que de financements devraient pouvoir bénéficier d'un Fond de Garantie Agricole suffisamment doté et qui serait leur caution auprès du secteur bancaire.

Instaurer "La Journée de l’Agriculture"

La Journée de l'Arbre est un vrai succès au Congo, plusieurs milliers d'hectares ont été plantés depuis qu'elle existe. Elle mobilise tout le monde, les pouvoirs publics, les entreprises, les écoles. Il suffit de sortir de nos villes pour constater que le Congo est pionnier dans le reboisement. Partout le long de nos routes on voit des Eucalyptus et des pins. Si on pouvait reproduire le même engouement autour des arbres fruitiers ce serait extraordinaire.


Il faut créer une journée similaire autour de l'agriculture. Ce sera plus délicat car une culture ça s'entretient toute l'année mais il faudrait tout de même définir des actions qui pourraient être réalisées lors de cette journée.

  • Comment le secteur privé peut-il aider?

Proposer aux agriculteurs une gamme complète de services

Il faut que des concessionnaires et des garages d'engins agricoles soient développés dans les régions de production. Le problème est que les concessionnaires généralistes actuels n'ont pas un volume de vente assez important pour offrir des prix abordables.


Les congolais commandent encore trop souvent directement à l'étranger sans passer par eux. Le problème que cela pose est que souvent ces tracteurs importés sont inadaptés, ne disposent pas de compétences de maintenances locales et ils finissent par mourrir le long de nos route. La route N2 est un triste exemple de cimetière de tracteurs et d'engins en tout genre.


Il faut permettre aux concessionnaires d'avoir un volume de ventes garanti, par exemple à travers un système de bons d'achats mis en place par l'Etat. Ainsi un concessionnaire saurait qu'une année donnée l'Etat va mettre à disposition des bons d'achats pour 50 tracteurs dans tel ou tel département, il aurait une vision claire du marché, de la localisation du parc et pourrait faire baisser les prix et surtout developper des centres de maintenance régionaux.


En plus de la fourniture de matériel, il faut que des sociétés de prestation proposent des services à valeur ajoutée aux entreprises agricoles. Les possibilités sont énormes dans le domaine, elles vont de simples conseils en agronomie, à l'étude des sols pour la préconisation de plan de futur à la cartographie satellite des domaines. Aucune entreprise d'envergure ne peut réussir sans plan d'aménagement mais ce n'est pas simple à mettre en place et à maintenir à jour si la seule possibilité de cartographie d'un domaine est l'arpentage à pieds au GPS.

Développer la transformation et la distribution

Face aux coopératives, il faut développer des entreprises de transformation. Comment comprendre que d'un côté dans le Niari et la Lékoumou des entreprises comme Congo Agriculture se retrouvent avec du maïs sur les bras quand les fermes avicoles de Brazzaville se retrouvent limitées dans leur expansion par le manque d'aliments? Il y a un maillon manquant dans la chaine.


La difficulté a laquelle feront face les transformateurs c'est la fiabilité des fournisseurs, et les producteurs craindront pour la pérennité de leur débouchés... une des solution est de créer une entité comme une bourse des matières agricoles qui ferait l'intermédiation entre l'amont et l'aval.


En conclusion

Il ne s'agit là que de quelques pistes, nous écrirons des billets plus détaillés sur les divers sujets évoqués et sur bien d'autres au fur et à mesure de notre réflexion et aussi en fonction de l'évolution du secteur car les choses bougent, les consciences s'éveillent, de nouveaux acteurs arrivent.

245 vues0 commentaire
bottom of page